Ici les gens sont très fan de Laurence Boccolini (la présentatrice du Maillon Faible) !
19h00, l’heure du JT de 20h français retransmis, sur la télé de Fabrice branchée en permanence sur le générateur. Ce qui me fascine c’est qu’on regarde religieusement la météo (française).
Comme on sort parfois le soir pour entendre les profs cubains répéter, on a régulièrement des problèmes d’enfermement en dehors de la maison. Le voisin nous aide alors à gueuler et à tambouriner sur la porte pour qu’on nous ouvre.
Sur la plage, j’ai goûté des lanbi (sorte de calamar assaisonné vinaigre-citron-piment). Telay, ma copine haïtienne, me précise d’un air malicieux que c’est censé agir comme aphrodisiaque.
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Dans la rue, konpa
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À l'administration
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Gammes
Jacmel. Revoir les gens; des gens qui ont eu des bébés, d’autres à Cuba qui se sont mariés, d’autres qui partent aux États-Unis faire de la batterie, d’autres qui apprennent l’anglais, le même papi canadien qui prend le même tap-tap que l’année dernière.
Jackson donne un workshop de tambour sur les rythmes traditionnels haïtiens à l’école de musique. Enthousiasme d’Osniel, le prof cubain, et des étudiants percussionnistes. Seulement arrêtés par la répétition de saxophone qui débarque au sommet du bâtiment.
Des polémiques sur le marché; la nuit, on entend des individus qui fracassent les stands des marchandes pour les forcer à déménager, plus loin, ailleurs, pour ne pas faire de concurrence aux “vrais” magasins. Le jour, les mêmes marchandes tapent sur les ruines de bois et de tôle pour manifester leur colère. La nuit suivante, les tas de planches explosées crament.
Refoulés du bar dansant pour cause de port de sandales, on se rabat sur le magasin de cds piratés du coin de la rue, qui diffuse en continu et à toute blinde toutes sortes de sons. Ce soir, c’est classiques du konpa, on est contents; un ami haïtien, toujours prêt, initie les copines françaises à l’art du déhanchement. La brochette de clients qui sirotent leur Prestige, la marchande de fritaille, les motos-taxi, tous nous observent en rigolant :
“Bon bagay kreyòl !”
L’élan de l’homme qui l’entraîne vers les îles reprend le double mouvement qui produit les îles en elles-mêmes. Rêver des îles, avec angoisse ou joie peu importe, c’est rêver qu’on se sépare, qu’on est déjà séparé, loin des continents, qu’on est seul et perdu – ou bien c’est rêver qu’on repart à zéro, qu’on recrée, qu’on recommence. Il y avait des îles dérivées, mais l’île, c’est aussi ce vers quoi l’on dérive, et il y avait des îles originaires, mais l’île, c’est aussi l’origine, l’origine radicale et absolue. (…) L’île est ce que la mer entoure, et ce dont on fait le tour, elle est comme un œuf. Œuf de la mer, elle est ronde. Tout se passe comme si, son désert elle l’avait mis autour d’elle, hors d’elle. Ce qui est désert c’est l’océan tout autour. C’est en vertu des circonstances, pour d’autres raisons que le principe dont elle dépend, que les navires passent au loin et ne s’arrêtent pas. Elle est désertée plus qu’elle n’est un désert. Si bien qu’en elle-même elle peut contenir les plus vives sources, la faune la plus agile, la flore la plus coloriée, les nourritures les plus étonnantes, les sauvages les plus vivants, et le naufragé comme son fruit le plus précieux, enfin pour un instant le bateau qui vient le chercher, malgré tout cela, elle n’en est pas moins l’île déserte.
— Gilles Deleuze, Causes et raisons des îles désertes